Alors que les conflits, l’insécurité et l’instabilité se sont encore aggravés dans la région sahélienne, le besoin d’espaces de dialogue, et de sources d’informations locales, fiables et factuelles, n’a peut-être jamais été aussi important.
La fragilité des processus de développement humain et économique, l’instabilité politique, l’insécurité, les inégalités et le changement climatique ont plongé depuis plusieurs années la région sahélienne dans une succession de crises qui se chevauchent et se nourrissent. Elles ont pour effet une faible croissance économique, le chômage, une explosion démographique, la migration, la sécheresse, la violence intercommunautaire et l’extrémisme violent. Des décennies de mauvaise gouvernance et la rigidité des systèmes et institutions politiques ont aussi bloqué des réformes indispensables, discrédité les institutions de service public et appauvri les populations. Les effets sont visibles dans les multiples coups d’état qui ont eu lieu en 2021 et début 2022 au Mali, au Tchad, en Guinée Conakry et au Burkina Faso. La situation des populations de la région ne s’améliore pas et les processus démocratiques s’érodent. La liberté d’expression et la liberté de la presse sont en danger.
Les premières victimes de ces crises sont souvent les jeunes et les femmes, qui sont sous-représentées dans les institutions et les corps intermédiaires. En 2021, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad se sont tous classés dans les 15 derniers pays sur les 162 recensés dans l’indice d’inégalité de genre des Nations unies.
Le changement climatique exacerbe aussi l’instabilité. Il a considérablement modifié les conditions de vie des populations sahéliennes, entraînant une augmentation de la proportion de réfugié•es climatiques, tendance qui semble irréversible. Ceci, en plus des autres facteurs mentionnés ci-dessus, a poussé des millions d’individus à migrer à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de leur pays, entraînant des drames humains aux conséquences sociales et économiques considérables.
La triple frontière entre le Niger, le Burkina et le Mali témoigne cruellement de cette instabilité, où des groupes extrémistes violents et des violences intercommunautaires ravagent les communautés locales. 650 personnes ont perdu la vie suite à des incidents violents dans cette région en 2021 selon les décomptes des organisations humanitaires et de l’ONU.* Cette violence entraîne une crise humanitaire majeure : 5,2 millions de personnes étaient en insécurité alimentaire fin 2021, et 2,4 millions de personnes dans le centre Sahel avaient dû quitter leur foyer pour devenir des « déplacé•es internes », dont 1,7 million au Burkina Faso.
Dans ce contexte, les médias, qu’ils soient digitaux (Internet, réseaux sociaux) ou traditionnels (radio, télévision, presse écrite), jouent un rôle clé pour informer la population sur toutes ces crises, leur actualité, leur développement, leurs causes, et les solutions possibles. Les médias, en particulier les stations de radio, sont relativement nombreux dans la plupart des pays du Sahel. Cependant, ils restent fragiles et manquent de ressources, notamment de journalistes formé•es et indépendant•es. Leurs lignes éditoriales reflètent souvent exclusivement les opinions de leurs propriétaires, qu’ils soient étatiques ou privés. Volontairement ou par manque de professionnalisme, ils deviennent parfois les relais de la désinformation qui circule en ligne, sur les réseaux sociaux, dans les groupes WhatsApp, dans les villes et villages et qui se propage à la faveur des crises.
Au contraire, des médias professionnels, indépendants, responsables, dont les journalistes bénéficient de la formation et des moyens pour travailler, peuvent contribuer à fournir des informations fiables, factuelles, qui calment les peurs et répondent aux rumeurs. Des médias qui créent et entretiennent le dialogue et la tolérance en exposant les gens à divers points de vue et en questionnant les dirigeants pour les responsabiliser. Les médias peuvent ainsi jouer pleinement leur rôle d’intermédiaires entre les populations, les acteurs de la société civile et les gouvernements pour amplifier la voix des citoyen•nes aux niveaux national et régional.
Avec ses médias au Mali (Studio Tamani), au Niger (Studio Kalangou) et au Burkina Faso (Studio Yafa), leurs rédactions comptant une centaine de journalistes formé•es et encadré•es et autant de correspondant•es dans les régions, et leurs réseaux de 176 radios et télévisions locales partenaires, la Fondation Hirondelle dispose d’une capacité médiatique unique de production et diffusion d’information au Sahel. Un réseau qui entretient des espaces de dialogue quotidien plus que jamais nécessaires entre toutes les composantes des sociétés sahéliennes.
(*) https://news.un.org/fr/story/2021/09/1105172