Des milliards de données plus ou moins fiables circulent sur le Net à une vitesse éclair. Pour tenter d’éviter les écueils, la Fondation Hirondelle propose des repères, en particulier dans les pays les plus fragiles où la désinformation aggrave les crises.
Nous sommes à l’ère de l’infodémie permanente. Chaque compte de réseau social est un média au sens large, un émetteur de contenus. Facebook compte 2,9 milliards d’utilisateurs•trices,1 YouTube 2,3 milliards et WhatsApp à peine moins (2 milliards), Instagram recense 1,4 millard de comptes, talonné par son concurrent TikTok (1 milliard) puis par Telegram (550 millions).
Ainsi, des milliards de contenus sont produits, diffusés ou relayés chaque jour de manière virale. Sur Twitter (436 millions d’utilisateurs), un contenu repart (en moyenne) moins de 3 secondes après réception. Le mot information – qui a longtemps qualifié un contenu vérifié et vrai – n’a jamais été si proche de ce cousin qui partage la même racine : informe.
La déferlante d’informations, par son ampleur, brouille et détruit l’accès à la vérité. Pour le grand public, c’est la confusion générale entre le Vrai et le Faux. La rumeur, le « plus vieux média du monde », dispose d’un terreau sans précédent. La désinformation, définie comme la fabrique malveillante de fausses nouvelles (fake-news) est souvent perçue comme le danger principal. C’est ignorer l’ampleur de la mésinformation et de la « mal information », les contenus produits ou rapportés de manière non professionnelle, incomplets, vraisemblables (mais faux), mal compris, relayés malgré tout, ouvrant la voie aux rumeurs et aux interprétations.
Les pays les plus connectés sont très impactés par l’infodémie. Depuis vingt ans, les médias d’information professionnels agonisent au « Nord », tandis que les masses sont exposées aux « faits alternatifs » d’un monde de « post-vérité », niant les faits et le réel. Donc le débat. « Sans accord sur les faits eux-mêmes, il n’y a plus de démocratie », résume Maria Ressa, journaliste philippine et Prix Nobel de la Paix en 2021.2
Si la désinformation menace les pays développés, son impact sur les sociétés fragiles est plus grave encore. Ici, l’urgence est partout : manque de soins, de nourriture, d’eau, de liberté, d’horizons. L’analphabétisme conjugué à la guerre, accroît la toxicité de la rumeur. C’est dans ces contextes que la Fondation Hirondelle agit. La lutte contre la désinformation est un leitmotiv de son travail.
En 2020 et 2021, face aux rumeurs folles qui ont jalonné la pandémie de Covid-19, la Fondation Hirondelle a engagé des moyens importants dans l’information, la prévention et le travail de « debunking » 3 dans 18 pays fragiles. Une mission d’autant plus difficile que le virus a pu sembler moins virulent au « Sud », moins dangereux, son existence même discutable. Au bilan, l’effort d’information était fondé. La revue médicale The Lancet,4 estime que la surmortalité due au virus aura été trois fois supérieure aux estimations officielles, pour atteindre 18 millions de morts dans le monde. Le « Sud » n’a pas été épargné.
En République centrafricaine, avant-dernier pays sur l’Indice du développement humain,5 la désinformation et la mal information, attisées par des agents extérieurs, deviennent aussi dangereuses que les armes. Présente à Bangui depuis 22 ans, avec Radio Ndeke Luka (RNL), 70 % d’audience nationale quotidienne, la Fondation Hirondelle a engagé en 2021 un ambitieux programme d’appui aux journalistes et à la société civile dans la lutte contre la désinformation, appui conjugué à une vaste campagne d’éducation aux médias, intitulée #StopAtènè (Stop la rumeur).
Les leçons à tirer ? Impossible de démasquer chaque fausse nouvelle. La lutte contre la désinformation est inégale. En revanche, il est possible d’agir contre leur prolifération par un travail de sensibilisation sur le discernement de chacun•e, tout en maintenant une structure capable de produire et diffuser des informations fiables et crédibles, d’entretenir avec son public des liens de confiance, un « phare » qui jette un peu de lumière sur l’océan ténébreux de contenus toujours plus informes.
(1) Source : Digital Report 2021 / October Global Statshot (We are social / Hootsuite)
(2) Masterclasses de la Fondation Hirondelle, 2020
(3) Littéralement “le discrédit” jeté sur la fausse information
(4) “Estimating excess mortality due to the COVID-19 pandemic: a systematic
analysis of COVID-19-related mortality, 2020–21”, The Lancet, 10 mars 2022.
(5) 188e, source Human Development Report (PNUD, 2020).